Studio Vaust — Le design minimaliste à Berlin, entre silence et résistance
- AMPM
- 20 juin
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 15 oct.
À Berlin, Vaust Studio, figure du design minimaliste berlinois, défend une esthétique de la retenue. Ni bavardage formel, ni effets de surface : le trio conçoit des objets comme des seuils silencieux, à la croisée du meuble, de l’architecture et du rituel. Dans un monde saturé d’images et de récits, leur minimalisme brut agit comme un contrepoint radical : une manière de résister sans bruit.
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Rien ne distrait. Pas de lignes flottantes, pas de formes enjôleuses. Dans l’atelier de Vaust, la lumière entre à peine, filtrée par la texture brute des murs. Le sol semble peser un peu plus lourd qu’ailleurs. Quelques objets, posés comme des balises, occupent l’espace. Ils ne cherchent ni à séduire, ni à expliquer. Ils sont là, simplement, massifs, denses, silencieux.
Fondé à Berlin par Sebastian Horn, Florian Blöchinger et Lukas Kral, Vaust Studio (qui incarne le design minimaliste à Berlin), navigue entre architecture, design d’objet et recherche sculpturale. Leur démarche n’est pas théorisée à l’excès : elle s’incarne dans les formes elles- mêmes, dans les creux, les absences.
Dans une interview pour le magazine Design Anthology, ils confient :
« Nous créons des objets qui imposent un temps lent. Des objets qui existent avant d’exister pour quelqu’un. »
Le poids de la forme
Chaque pièce semble issue d’une excavation mentale. Tables, consoles, socles : les objets n’ont ni fonction bavarde, ni gestes décoratifs. Ce sont des blocs épurés, archétypaux. Ils évoquent davantage des seuils que des destinations. Une table peut ressembler à un piédestal ; un banc à une stèle.
Leur travail de la matière n’adoucit rien. Béton noir, acier brut, pierre dense : chaque texture conserve ses tensions. La trace du moule, les reflets mats, les arêtes vives : tout est laissé visible. Il ne s’agit pas de magnifier, mais de laisser être. Une forme d’honnêteté matérielle.
Dans certaines pièces, la ligne est si pure qu’elle semble presque prête à disparaître. Mais ce dépouillement n’est jamais fragile. Il est grave. Il fait poids.
Piédestal brut et design minimaliste berlinois.
Une grammaire du silence
Chez Vaust, référence du design minimaliste à Berlin, ce n’est pas l’objet qui parle, c’est le vide qu’il dessine autour de lui. Le silence n’est pas absence, mais syntaxe. Chaque pièce semble ménager une respiration, une pause. L’ombre devient ponctuation. Le moindre écart de volume, un souffle.
Ce travail de tension contenue rappelle l’architecture japonaise traditionnelle ou le minimalisme de John Pawson, sans pour autant chercher à les imiter. Chez Vaust, le dépouillement n’est pas un style : c’est un état de présence. Un équilibre.
Le regard ralentit. On ne survole plus. On observe. On ressent. L’objet n’est plus seulement fonctionnel : il devient situation sensible.
Refus discret, présence radicale
Vaust produit peu. Ils publient rarement. Leur communication est épurée à l’extrême. Pas de fictions brandées, pas de storytelling obsessionnel. Et c’est précisément cette absence d’explication qui fait œuvre.
Ce refus du bavardage n’est pas une posture : c’est une cohérence. Ils conçoivent leurs objets comme on trace des fondations. Lentement. Sûrement. Loin du flux.
Dans leur monde, produire moins, c’est dire plus.
Un luxe discret. Un rythme à contre-courant.
Et si résister, c’était se taire ?
Vaust ne revendique pas un engagement. Ils ne se positionnent pas contre. Ils s’effacent juste assez pour que la matière parle. Et dans cet effacement volontaire se dessine une posture rare : celle de l’intensité contenue.
Leur travail n’est pas une réponse aux tendances, il est hors du temps. Il n’obéit à aucune logique algorithmique. Il s’inscrit dans une durée, dans une densité, dans un refus de s’expliquer.
Et peut-être est-ce cela, aujourd’hui, la forme la plus radicale de résistance : ne pas crier plus fort, mais taire le superflu. Pour mieux faire place à ce qui dure.
Crédits : https://vaust.studio
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